Très bon tome, qui balaie la frustration éprouvée à la lecture du précédent... et redonne même beaucoup de sens au délayage du tome 16 : en le relisant pour enchaîner par le 17, on comprend mieux l'intérêt des chapitres précédents, qui mettent en place ce nouvel arc "Timmy Sanada". Et puis ça faisait longtemps qu'on n'avait pas eu un gros cliffhanger de fin de volume

(qui m'a beaucoup rappelé la fin du tome 18 de 20th, personnellement, le face à face Manjûme/Ami 2)
Spoiler sans balise ci-dessous!
D'abord, mes doutes sur le traitement du 11 septembre ont été balayés. J'avais pas spécialement envie qu'on ressasse encore des faits et théories terroristes, et Urasawa ne s'est pas attardé là-dessus. Il s'est contenté de garder l'impact catastrophique qu'a eu l'évènement pour son récit (tout en glissant très subtilement un petit propos antiraciste, avec ces Américains, pourtant meurtris, qui tendent la main aux pays du Moyen-Orient).
Effectivement, j'ai beaucoup apprécié la sobriété du propos : montrer seulement l'événement sans le moindre dialogue (la double page est magnifique, ça fait quand même quelque chose de voir ce drame passer sous la plume d'Urasawa!) et mettre en avant les différentes réactions de monsieur tout le monde, sans prendre vraiment parti. Et puis, surtout, même si le 11 septembre était annoncé depuis plusieurs tomes, on ne savait pas trop à quel moment (quel mois) se déroulait l'intrigue, du coup le jour J arrive de manière inattendue malgré tout et on se retrouve devant le fait accompli. Comme dans la réalité en fait.
Ensuite, c'est un encore un fait historique réel qui n'est pas empêché par les prophéties de la chauve-souris. Je pense vraiment, du coup, qu'Urasawa n'a pas le choix pour conclure : il va créer un évènement spécial pour la fin prochaine du manga, qui conduirait donc à un récit uchronique, ce qui me réjouit !
Là par contre, je rejoins ce qu'on se disait avec BigFire récemment : c'est dommage qu'Urasawa n'ait jusqu'ici jamais changé le cours de l'Histoire telle qu'on la connaît. Finalement, on nous annonce le 11 septembre depuis plusieurs volumes, mais l'événement se produit exactement tel qu'on le connaît dans la réalité... c'est un peu décevant qu'on n'ait pas le droit à un autre scénario. Je pense aussi à une uchronie pour conclure mais je ne suis pas convaincu qu'Urasawa et Nagasaki osent franchir le pas, du coup.
En revanche, là où ce tome m'a le plus plu, c'est sur le personnage de Kevin Goodman : après avoir passé son temps à ne "rien" faire et à se plaindre, il se décide enfin à passer à l'action en alertant l'opinion publique puis en retrouvant Jackie. Certes, il n'a plus le choix, mais c'est pour moi le déclic qu'on attendait avec ce personnage, pour qu'il devienne enfin un héros digne de ce nom, attachant et en galère, à la Tenma, Otcho, Kenji et j'en passe!
J'ai beaucoup aimé aussi le fait qu'il se retrouve "perdu" du jour au lendemain, lâché par Audrey et Timmy comme un malpropre. Du coup j'ai vraiment hâte de voir ce que va donner son voyage au pays basque avec Jackie, j'espère que Kevin va pas retomber dans ses travers de personnage passif! Et faut-il comprendre que Smith passe ses derniers instants au pays basque, vu qu'il espère que les autres vont finir par arriver sur place? C'est cool de revoir le personnage, même s'il meurt.
Concernant Timmy, ta théorie est très intéressante Tenma's ! J'avoue que j'ai pris le scénario comme il venait : Timmy ment, bluffe et ça marche. Mais c'est vrai qu'il a pu prédire quelque chose, alors il y a un truc. Puisque son père était un imposteur, lui aussi peut-être ? Il doit être guidé par quelqu'un qui entend la chauve-souris. Ce qui expliquerait que Duvivier ait eu du mal à se décider sur ses capacités : il a toutes les qualités d'un voyant, puisqu'il aurait accès aux prophéties, mais pas la vivacité dans la mise en dessin, puisque les infos qu'il a sont indirectes. Qui reste-t-il comme voyant qu'il pourrait délester de ses informations ? Je ne vois que Kevin Yamagata en fait...
La traîtrise de Timmy est excellente à tous les niveaux, parce que ça ouvre plein de possibilités ! Dans le désordre :
- qu'il opère pour le compte de Chuck depuis le début, puisqu'il lui a rendu visite enfant. Ce cliffhanger est vraiment bien amené. Même si pour chipoter on peut trouver que le changement de perspective entre la scène initiale (quand on voit juste le bas du corps de ce mystérieux visiteur) et la deuxième (quand on voit que c'est Timmy) correspond pas forcément au corps d'un enfant mais bon
- du coup, il pourrait en quelque sorte accomplir la volonté de son propre père, celle que Chuck lui aurait transmis avant de mourir, quand il s'enfermait dans son délire "des ordres du Führer" et surtout après s'être senti trahi par tout le monde (sa fille, Kevin Goodman...)
- si jamais Timmy a des visées économiques (tout semble indiquer le contraire mais on ne sait jamais), il se retrouverait du coup en concurrence directe avec Audrey puisqu'il pourrait hériter de l'empire de Chuck... un scénario qu'Audrey redoutait ouvertement dès son apparition, comme elle le dit à son père!
En relisant le dernier dialogue entre Timmy et Chuck (le vrai), je me demande si celui qu'il appelle "Billy" n'est pas Chuck (le faux/son père), tout simplement! Quand Chuck lui demande : "Est-ce que c'est une requête de la chauve-souris [de revenir à son style graphique de Billy Bat]?", Timmy répond : "Oui, je comprends. C'est sa décision. C'est bien son souhait... non?" en se tournant vers le portrait de son père. Donc soit il imagine que ce serait la volonté de Billy en posant la question à son père, soit il reconnaît à lui-même que c'est Chuck "son" Billy.
Le parallèle entre la réaction de Timmy à la découverte du 11 septembre à la télé renvoie en plus directement à celle de Chuck quand il apprend (et se réjouit) de la mort de Kennedy devant la télé et le faux Chuck présent à côté également.
Finalement, depuis la mort de Kurusu, on n'a plus de "véritable" méchant doté de gros moyens, à part Morehouse, mais qui se "limite" à éliminer les dessinateurs de Billy Bat. Là, le génie du coup fourré de Timmy, c'est que pour la première fois depuis le début de la série, la chauve-souris est aux commandes d'un dessinateur mal intentionné. Du coup, l'avenir de la planète est vraiment en danger.
D'ailleurs je me demande quel sera le prochain événement historique mis en scène : les attentats de Madrid de 2004? Fukushima? Les deux me paraissent trop loin dans le temps pour que ça tienne la route, mais pourquoi pas.
Sinon, on le dit à chaque tome, mais quelle maîtrise dans le découpage des planches, les expressions du visage, la fluidité des transitions entre tel ou tel personnage ou tel ou tel lieu... Urasawa est vraiment à son apogée graphique et c'est un régal.
Et enfin j'ai trouvé génial le petit clin d'oeil d'actualité au début de volume, quand Billy évoque les Jeux Olympiques de 2020 avant de dire "oups, non, ils ont pas encore eu lieu".
